Discours du directeur général adjoint de l’UNICEF, Ted Chaiban, lors de la séance d’information du Conseil de sécurité de l’ONU sur les enfants dans les conflits armés.
«Dans le monde entier, alors que les conflits prolifèrent, de graves violations à l’encontre des enfants se poursuivent. Le refus d’accès à l’aide humanitaire est une violation grave particulièrement répandue, multiforme et complexe.
Il peut s’agir de parties qui restreignent arbitrairement l’accès, notamment en suspendant les services essentiels, en limitant les déplacements des civils pour qu’ils puissent bénéficier d’une assistance et d’une protection, ou en imposant des obstacles bureaucratiques et administratifs. Il peut également s’agir d’attaques directes contre les infrastructures cruciales, comme les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ainsi que d’agressions ciblées contre le personnel humanitaire et médical, et l’utilisation de tactiques de siège. Ces actions ont des répercussions humanitaires désastreuses pour les enfants.
En janvier, je me suis rendu à Gaza pour la deuxième fois depuis octobre et j’ai été frappé par la détérioration dramatique des conditions de vie des enfants. La destruction généralisée des infrastructures logistiques, le quasi-blocus imposé dans le nord de Gaza, les refus fréquents ou les retards dans l’accès des convois humanitaires, les pénuries de carburant, ainsi que les coupures d’électricité et de télécommunications ont eu des conséquences dévastatrices pour les enfants. Les attaques contre les travailleurs humanitaires ont également gravement perturbé l’acheminement de l’aide, entraînant le plus grand nombre de décès parmi le personnel des Nations unies dans notre histoire, en particulier nos collègues de l’UNRWA, et de nouvelles attaques cette semaine ont coûté la vie à nos collègues de la World Central Kitchen, des humanitaires qui œuvrent pour nourrir les personnes affamées.
En raison de ces restrictions, les enfants se voient privés d’un accès adéquat à une alimentation nutritive adaptée à leur âge ainsi qu’aux services médicaux, et ils disposent de moins de 2 à 3 litres d’eau par jour. Les conséquences sont manifestes. En mars, nous avons rapporté qu’un enfant sur trois de moins de deux ans, dans le nord de la bande de Gaza, souffrait de malnutrition aiguë, un chiffre qui a plus que doublé au cours des deux derniers mois. Ces dernières semaines, des dizaines d’enfants du nord de la bande de Gaza auraient succombé à la malnutrition et à la déshydratation, et la moitié de la population est confrontée à une insécurité alimentaire catastrophique.
Au Soudan, où la crise de déplacement d’enfants est la plus grave au monde, la violence et le non-respect flagrant des autorisations nécessaires pour acheminer l’aide humanitaire essentielle, afin de protéger les enfants des répercussions du conflit dans le Darfour, le Kordofan, Khartoum et au-delà, ont considérablement aggravé leurs souffrances. Nous enregistrons un nombre record d’admissions pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS) – la forme la plus mortelle de malnutrition – mais l’insécurité entrave l’accès des patients et du personnel de santé aux hôpitaux et autres établissements de santé. Les biens et le personnel continuent d’être la cible d’attaques. Le système de santé demeure submergé, entraînant une grave pénurie de médicaments et de fournitures, y compris des produits vitaux, en raison de l’interruption brutale du système de gestion des approvisionnements. Plus préoccupant encore, notre incapacité à atteindre régulièrement les enfants vulnérables rend impossible leur protection, augmentant ainsi les risques de graves violations sans que notre capacité de surveillance ou de réponse ne puisse suivre.
Au Myanmar, la montée en intensité du conflit et l’augmentation significative des restrictions d’accès à l’aide humanitaire ont entravé la distribution cruciale d’assistance humanitaire. En conséquence, les partenaires de l’UNICEF ont été contraints de reprogrammer ou de différer des interventions vitales, afin d’assurer la sécurité de leur personnel dans certaines zones. Alors que le pays entre dans le pic de sa saison sèche, l’accès à l’eau potable représente un défi majeur pour une population déjà vulnérable, notamment six millions d’enfants ayant un besoin urgent d’aide humanitaire, la plupart d’entre eux résidant dans des régions difficiles d’accès.
Depuis la création du mécanisme de surveillance des droits, les Nations unies ont vérifié près de 23 000 incidents de refus d’accès humanitaire, dont près de 15 000 au cours des cinq dernières années et 3 931 dans le dernier rapport du secrétaire général, un chiffre obstinément élevé.
Le déficit d’accès aux services humanitaires accroît la vulnérabilité des populations, favorisant ainsi d’autres violations des droits de l’enfant. Les enfants sont les premiers touchés et sont ceux qui subiront les conséquences humanitaires les plus durables. Les parties concernées ont une responsabilité légale et morale de veiller à ce que les enfants aient accès aux services humanitaires.
Partout dans le monde, nos équipes sur le terrain œuvrent dans des conditions opérationnelles de plus en plus exigeantes pour atteindre les enfants. L’UNICEF a renforcé son engagement en investissant davantage dans des spécialistes de l’accès humanitaire, afin d’améliorer notre capacité à atteindre les enfants dans certains des environnements d’accès les plus difficiles où nous intervenons, notamment en Haïti, en Éthiopie et au Soudan. Nous nous engageons à entamer des négociations avec toutes les parties concernées, à maintenir notre présence et à agir en faveur des enfants.
L’UNICEF soutient pleinement le développement d’outils pour renforcer le suivi et le rapport de l’ONU sur le refus d’accès humanitaire et nous accompagnerons le Bureau du RSSG Gamba dans son développement d’une note d’orientation à cette fin. Il est important, dans ce processus, de s’appuyer sur les systèmes en place et de les renforcer, y compris ceux établis et utilisés par l’OCHA et les agences humanitaires dans ce domaine.
Notre capacité à maintenir l’accès peut être grandement améliorée par le travail du Conseil de sécurité.
Premièrement, en cohérence avec la résolution 2664 du Conseil de sécurité des Nations unies, nous sollicitons un renforcement des exceptions visant à garantir l’accès humanitaire. Les agences humanitaires doivent pouvoir dialoguer avec tous les groupes armés afin d’assurer l’accès humanitaire aux populations affectées, sans craindre de représailles.
Deuxièmement, nous vous exhortons à user de votre influence pour encourager les États et les acteurs armés non étatiques à prévenir et à mettre fin aux entraves à l’accès humanitaire pour les enfants. Il est primordial de protéger les travailleurs humanitaires et de permettre aux organisations d’accéder en toute sécurité et en temps voulu aux personnes qui en ont le plus besoin, que ce soit sur les lignes de front ou au-delà des frontières. Cela implique notamment de garantir que toute assistance accordée à l’une des parties au conflit soit précédée d’une évaluation rigoureuse de ses implications sur l’accès humanitaire.
Troisièmement, nous vous faisons confiance pour soutenir les initiatives de l’ONU visant à surveiller et à plaider en faveur des questions relatives aux enfants associés aux conflits sur le terrain. Cela implique non seulement l’allocation de ressources, mais également votre engagement à collaborer avec nous pour garantir la protection de l’accès humanitaire aux enfants, où qu’ils se trouvent.»