Soudan : l'accès humanitaire, indispensable pour éviter la famine

Déclaration conjointe de Raouf Mazou, Haut Commissaire adjoint aux opérations du HCR, et de Ted Chaiban, Directeur général adjoint de l’UNICEF.

Kind schläft Sudan
Un enfant dort sur les genoux de sa mère à Atbara. 25 juillet 2023.

«La crise humanitaire au Soudan continue de s’aggraver. Des millions de personnes ont désespérément besoin d’aide. Le conflit a déplacé plus de 11 millions de personnes, à l’intérieur du pays et au-delà des frontières, et en a plongé des millions d’autres dans une extrême vulnérabilité, en particulier les enfants. L’accès aux services de base, tels que l’eau potable, les soins de santé et les abris, est très limité. Alors que nous assistons à l’effondrement d’infrastructures vitales, la réponse internationale doit s’intensifier immédiatement pour répondre à l’ampleur écrasante des besoins.

Selon les estimations, 13 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire. Quatorze régions du pays sont au bord de la famine, et dans le camp de Zamzam, au nord du Darfour, la situation de famine a déjà été confirmée. Rien que cette année, 3,7 millions d’enfants de moins de cinq ans devraient souffrir de malnutrition aiguë sévère et ont besoin d’urgence d’un traitement vital. Ces enfants sont déjà affaiblis par la faim. S’ils ne sont pas pris en charge rapidement, ils courent 11 fois plus de risques de mourir de maladies évitables que leurs pairs en meilleure santé.

L’un des principaux obstacles à l’acheminement de l’aide essentielle a été de garantir un accès sûr et sans entrave aux communautés dans le besoin dans toutes les régions du Soudan. Les agences des Nations unies chargées de l’acheminement de l’aide et de la fourniture d’une assistance technique doivent obtenir l’autorisation des autorités gouvernementales pour assurer une présence durable dans toutes les communautés affectées. La réalité sur le terrain reste marquée par des obstacles logistiques et administratifs. Ces contraintes d’accès entravent la capacité des Nations unies à acheminer des fournitures vitales, à offrir une protection aux communautés les plus vulnérables, et à contrôler efficacement l’acheminement de l’aide pour s’assurer qu’elle parvient aux destinataires ciblés.

Tout en appréciant les garanties de coopération, notamment l’ouverture de la frontière tchadienne aux fournitures humanitaires, il est essentiel de concrétiser ces engagements. Nous demandons le rétablissement des bureaux de l’ONU à Zalingei, au Darfour central, et à Kadugli, au Kordofan méridional. Il est également essentiel de simplifier et d’accélérer les procédures d’approbation des envois d’aide et de personnel, notamment en facilitant l’accès aux lignes de démarcation, car tout retard, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires essentielles, la santé, la nutrition et d’autres fournitures de secours de première nécessité, a des conséquences dévastatrices. Les partenaires humanitaires doivent être en mesure d’assurer l’acheminement effectif et efficace des fournitures et de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin. Le gouvernement du Soudan et toutes les autres parties au conflit doivent éviter les exigences administratives trop lourdes et faciliter l’acheminement sans délai des fournitures aux communautés dans le besoin.

Le Soudan est aujourd’hui le théâtre de l’une des crises de déplacement les plus importantes et les plus pressantes au monde. La situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays et des réfugiés est particulièrement grave, avec plus de 10 millions de personnes déplacées à de multiples reprises et plus de 800 000 réfugiés accueillis à l’intérieur des frontières soudanaises. Comme nous l’avons vu à Port-Soudan et à Kassala, les personnes forcées de quitter leur foyer sont particulièrement vulnérables. Elles endurent des conditions de vie extrêmement difficiles dans des abris de fortune, ne bénéficient pas des services les plus élémentaires et sont confrontées à de graves risques en matière de protection. En outre, les réfugiés auront besoin d’une assistance soutenue en matière de protection et de conseils juridiques. Les Nations unies sont déterminées à travailler aux côtés du gouvernement soudanais et d’autres entités pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne à ces communautés sans plus tarder. Nous appelons également au renforcement les opérations transfrontalières entre le Tchad et le Soudan, afin de permettre à l’aide d’atteindre les communautés qui en ont un besoin urgent.

Malgré ces immenses défis, nous réaffirmons notre engagement à soutenir la population du Soudan et toutes les personnes touchées par le conflit. Le HCR, l’UNICEF et nos partenaires travaillent sans relâche – de manière inclusive – pour fournir des services essentiels, des abris d’urgence et de l’eau à l’éducation, en passant par les soins de santé et le soutien psychosocial. Cependant, sans un soutien international durable, y compris l’attention portée à un moyen politique de résoudre le conflit et la suppression des obstacles bureaucratiques et sécuritaires, la situation continuera à s’aggraver.

La protection des civils doit être primordiale. Nous appelons d’urgence toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire et à donner la priorité à la protection des civils, qui continuent d’endurer des souffrances inimaginables. Les civils, en particulier les femmes et les enfants, subissent de graves violations de leurs droits, notamment des violences sexuelles et sexistes, l’exploitation et des atteintes à leur sécurité et à leur dignité. Ces actes odieux, y compris l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, doivent cesser immédiatement. L’aide humanitaire ne peut à elle seule résoudre cette crise ; nous devons également veiller à ce que les personnes les plus vulnérables soient protégées contre toute atteinte supplémentaire. Le peuple soudanais a besoin de notre action collective maintenant. Nous devons réagir avec l’urgence et l’ampleur que cette crise exige.»