Le système alimentaire mondial est dans une situation critique. Le monde n’a jamais produit autant de denrées alimentaires et pourtant plus d’un tiers de la population mondiale n’a pas les moyens d’avoir une alimentation saine. Par conséquent, une personne sur dix souffre de malnutrition et une sur quatre est en surpoids. Le sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires du 23 septembre 2021 offre une occasion historique d’opérer le changement nécessaire.
Chaque habitant de la planète devrait normalement pouvoir consommer 2800 kilocalories par jour. Il devrait aussi y avoir suffisamment de protéines et d’autres nutriments pour tout le monde. Or près de 700 millions sur les quelque 7,89 milliards de personnes vivant sur terre souffrent de la faim. Au cours des dernières décennies, les changements intervenus dans nos systèmes alimentaires mondiaux – pratiques de culture, de distribution, de commercialisation, de consommation et d’élimination de nos denrées alimentaires – ont rendu les aliments les plus nutritifs et les plus sûrs trop chers ou inaccessibles pour des millions de familles. Elles sont donc condamnées à souffrir de la faim ou à recourir à des aliments transformés, abordables et disponibles.
Augmentation de la faim dans le monde
Parallèlement, des inondations, des sécheresses et des guerres compromettent l’approvisionnement alimentaire mondial. Les conséquences de la pandémie de Covid-19 et la multiplication des conflits armés ont entraîné une augmentation de 15% du nombre de personnes affamées en 2020 par rapport à l’année précédente. Selon les données de l’ONU et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le monde est au bord d’une crise alimentaire d’une ampleur sans précédent depuis 50 ans. D’ici fin 2021, entre 83 et 132 millions de personnes pourraient venir s’ajouter aux quelque 700 millions souffrant actuellement de la faim.
Les enfants, victimes de la crise alimentaire
Même avant la pandémie, les enfants étaient les principales victimes de systèmes alimentaires dysfonctionnels et d’une mauvaise alimentation, entraînant une crise alimentaire et sanitaire alarmante dans le monde où un enfant sur trois souffre de troubles de la croissance dus à la malnutrition. Ce chiffre est resté bas pendant plus de 11 ans. Qui plus est, la moitié des enfants de moins de 2 ans n’ont pas régulièrement accès aux aliments les plus nutritifs comme les fruits et légumes, les œufs, le poisson et la viande.
Une combinaison toxique de pauvreté, inégalités, conflits, changement climatique et conséquences de la pandémie de Covid-19 menace les systèmes alimentaires et le bien-être des enfants, en particulier ceux des communautés les plus pauvres et les plus vulnérables.
d’enfants
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* Chiffres de 2020: State of the World Food Insecurity Report 2021. En raison des conséquences de la pandémie de Covid-19, ces chiffres seront probablement plus élevés. Des estimations récemment publiées dans Nature Food, basées sur 118 pays, montrent que la pandémie pourrait faire augmenter d’ici 2022 le nombre d’enfants émaciés jusqu’à 13,6 millions (les deux tiers de ces enfants vivent en Asie du Sud et 1,9 million en Afrique subsaharienne) et entraîner jusqu’à 44,3 milliards de dollars de pertes de productivité – une menace pour l’avenir des enfants et des nations.
La famine à Madagascar, un signe avant-coureur?
Les conséquences de cette crise alimentaire se sont déjà produites dans de nombreux pays de l’hémisphère sud. Une situation très dramatique se profile à Madagascar: le pays est sur le point de connaître la première crise alimentaire mondiale induite par le climat. Après quatre années consécutives sans pluie, des dizaines de milliers de personnes souffrent déjà de la faim et de l’insécurité alimentaire. Au moins 500 000 enfants de moins de cinq ans sont exposés à un risque de malnutrition aiguë, dont 110 000 sont en danger de mort. Le nombre d’enfants atteints de malnutrition aiguë devrait quadrupler d’ici la fin de l’année.
«Il est urgent d’investir dans la prévention et le traitement de la malnutrition infantile pour éviter une aggravation de la situation. En donnant aux familles accès à de l’eau propre et en traitant les enfants atteints de malnutrition avec des aliments thérapeutiques, nous pouvons sauver des vies. Mais nous devons agir maintenant.»
Les années de sécheresse ont détruit les récoltes et privé les gens d’accès à la nourriture. À l’approche de la saison où les ressources alimentaires s’amenuisent, la crise risque de s’aggraver considérablement. L’insécurité alimentaire touche plus de 1,14 million de personnes dans le sud de Madagascar. La hausse des prix de certains aliments de base et la raréfaction des denrées alimentaires sur les marchés se répercutent sur la sécurité alimentaire. Les restrictions persistantes dues à la pandémie de Covid-19 ne font qu’augmenter les difficultés en limitant l’accès à la nourriture, aux marchés et à l’emploi. La souffrance des enfants, des mères et des pères de Madagascar est inimaginable. Le pays a urgemment besoin de notre solidarité et que nous agissions. La crise alimentaire à Madagascar est un signe avant-coureur de ce qu’il nous faut redouter dans les années à venir dans d’autres régions du globe. Il est plus urgent que jamais d’opérer un changement mondial de nos systèmes alimentaires.
Refonte des systèmes alimentaires: UN-World Food Summit
Les systèmes alimentaires décrivent les activités interdépendantes de production, transformation, transport et consommation d’aliments. Afin de répondre à la crise alimentaire mondiale, les Nations Unies ont convoqué le Sommet mondial de l’alimentation. Les solutions sont aussi variées que les causes d’une mauvaise alimentation. Pour permettre une alimentation riche en nutriments, sûre et abordable à chaque enfant, les gouvernements, donateurs, organisations de la société civile et acteurs du développement doivent travailler main dans la main à la transformation des systèmes d’alimentation, de santé et de protection sociale. Aucun pays ne dispose en effet d’un train complet de mesures et de programmes pour améliorer l’alimentation des jeunes enfants. Les pays du monde entier manquent également de leviers pour assurer la disponibilité des aliments nutritifs à des prix abordables. Le prochain sommet vise à créer les conditions d’une transformation mondiale des systèmes alimentaires afin d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030. Ce sommet ne sera que le sixième sommet des Nations Unies consacré à l’alimentation depuis 1943 et le premier auquel assisteront des chefs d’État à l’Assemblée générale des Nations Unies, ce qui laisse espérer un renforcement de la coopération pour surmonter ensemble la crise. Le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires offre une occasion historique de définir un programme d’actions pour permettre à la communauté mondiale de renforcer les systèmes alimentaires et de promouvoir une alimentation saine ainsi que d’améliorer l’alimentation, en particulier des enfants et des jeunes.
Pour plus d’informations sur le Sommet mondial de l’alimentation: https://www.un.org/food-systems-summit
Ce que l’UNICEF et l’OMS demandent
La refonte du système alimentaire pour faire entendre la voix des enfants et des adolescents et permettre une alimentation riche en nutriments, sûre, abordable et durable pour tous les enfants du monde devrait être au centre des stratégies, des mesures et des investissements. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons améliorer la qualité, la sécurité et l’accessibilité économique des denrées alimentaires auxquelles les enfants et les jeunes ont accès, l’environnement dans lequel ils grandissent, apprennent, jouent et mangent ainsi que la durabilité de la planète sur laquelle ils vivent. L’UNICEF et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appellent pour cette raison les gouvernements et les décideurs à renforcer des approches efficaces par
- des politiques de prix équitables
Inciter à une alimentation saine par le biais de politiques de prix, y compris des subventions pour abaisser les prix des aliments nutritifs (œufs, produits laitiers, fruits, légumes et produits complets); taxer les aliments malsains pour les renchérir.
- des aliments de base sains
Améliorer la valeur nutritionnelle des aliments par l’enrichissement obligatoire des aliments de base en micronutriments essentiels; réduire le sodium et le sucre et supprimer les acides gras trans produits industriellement dans les aliments transformés.
- une implication des services publics
Utiliser les achats publics de denrées alimentaires comme levier pour promouvoir une alimentation saine et soutenir des systèmes alimentaires durables, p. ex. dans les écoles, au travail, dans les hôpitaux et dans les programmes de protection sociale.
- une réglementation accrue sur les aliments malsains
Protéger les enfants des effets nocifs de la vente d’aliments et de boissons malsains en renforçant les mesures de réglementation.
- la promotion d’une alimentation saine pour les mères
Protéger et soutenir les mères et les personnes s’occupant des enfants pour leur permettre d’allaiter leur bébé de manière optimale, protéger la maternité et octroyer un congé parental; appliquer le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. (Pour plus d’informations: https://www.afs-stillen.de/fuer-fachpersonal/who-kodex/)
- l’introduction mondiale de directives pour l’étiquetage nutritionnel
Établir des directives et des pratiques d’étiquetage nutritionnel contraignantes et faciles à comprendre pour aider les enfants et les familles à faire des choix plus sains en disposant des bonnes informations.
- une communication accrue pour une alimentation saine
Soutenir des pratiques alimentaires et diététiques saines par les systèmes d’alimentation, de santé, d’éducation et de protection sociale avec des stratégies de communication cohérentes, faciles à comprendre et à mémoriser.
La bonne nouvelle est que la communauté internationale dispose des outils et des connaissances nécessaires pour mettre un terme à la faim et à la malnutrition dans le monde. Ces sept exemples peuvent inspirer d’autres bonnes solutions innovantes. Savoir si nous les mettrons en œuvre et saisirons l’opportunité de changer les systèmes alimentaires est une autre question. Il est possible d’opérer des changements positifs dans l’alimentation des enfants à grande échelle si les pays agissent ensemble, en s’appuyant sur de meilleures données et connaissances. Des investissements et une coopération au niveau mondial et national peuvent nous permettre de mettre en œuvre ces solutions à grande échelle.